Je vous avait parlé de cet endroit vraiment étonnant :
http://heraultinsolite.blogspot.fr/2011/08/villa-mysytere-castries.html
J'ai pu rencontré Amélie et Stephan, les petits enfants du créateur de ce lieu qu'ils appellent tout simplement: "le jardin".
Ils m'ont fait visiter les lieux , raconté l'histoire de leur aieul , fait passer des photos des lieux
( je mélangerais dans cet article photo d'époque et à l'état actuel ....)
et leur tentative de préserver son œuvre.
Je peux donc vous donner maintenant, grâce à leur complicité, les détails sur cette aventure extra...ordinaire
Roger PERIDIER est né le 17 Septembre 1914 dans une famille Castriote de longue date.
Dans les années 30 , il décide de transformer une vigne en potager et de construire un cabanon .
Mais pour le potager il faut de l'eau, certes l'aqueduc de Castries passe juste à coté mais sur cette colline de rocher sableux le sol est lui bien sec.
Il veut faire un puits , son père refuse de l'aider car le projet lui semble irréaliste mais sa sœur Julienne l'aide financièrement et un puisatier sourcier lui affirme qu'autour de 20 mètres de profondeur , ils trouveront de l'eau .
En ce temps là pas de foreuse mécanique , c'est au pic et à la pelle, guidé par le fil à plomb qu'ils creusent un puits de près d'1m 80 de diamètre .
Les vieux du pays qui passent tâtent le sable du monticule qui grandi chaque jour au milieu de la vigne , sec comme de la farine ...ils sont eux aussi persuadés que le projet est voué à l’échec ...
Et puis peu à peu le sable remonté s'humidifie ....
Et un beau jour à midi à 22 m de profondeur une dernière pierre enlevée avant de casser la croute et l'eau jaillit en un jet puissant qui en qq heures remplira les 2 premiers mètres . Le puisatier , un géant de près de 2 m fête ça en remontant tout le puits en opposition ! ( un exploit physique )

L'eau est là , il faut la remonter.
Roger a la fibre bricoleuse il construira une première éolienne de ses mains , qui sera érigé par un système ingénieux de palan.

Il fabriquera ensuite 2 bassins superposés et un système de tuyaux enterrés qui permettra d'arroser le potager par simple gravité .

Il commence également à construire un cabanon au dessus du puits , utilisant le sable extrait ...
Mais au fil des années notre homme transforme le cabanon en petite folie , digne héritière populaire des folies montpellieraines de l’aristocratie languedocienne .

A savoir une large façade pour impressionner le visiteur mais une profondeur limité à une seule pièce.
Il récupère dans une décharge une balustre jeté là , la moule et la reproduit en béton pour faire des balustrades digne de Versailles.
Il fabriquera aussi ses propre modèles en zinc ( il exerçait le métier de couvreur zingueur)
utilisant pour l'anecdote un flotteur de chasse d'eau pour en faire la panse .

un vitrail de bouteille

La construction s'étalera sur plusieurs dizaines d'années jusque vers les années 70.
Bien évidemment il deviendra pour beaucoup des locaux le "fada" du village .
Mais en fait l'homme est pragmatique , économe et d'une imagination sans bornes .
Le stock de sable du puit épuisé, il se fait mineur et excave le sable de son sous sol , fabriquant ainsi escaliers , pièces et galeries souterraines .

La première pièce souterraine est transformée en clapier mais pas besoin pour nourrir les lapinous de descendre , un trou pratiqué sur le bord de l'escalier permet d'y glisser par en haut leur nourriture .
la pièce suivante est faite pour un ami qui a besoin de sable : celà deviendra la "salle à Yvan" et aménagée elle gardera les bouteilles au frais .

En creusant une galerie horizontale , il tombe sur une interstrate qui laisse écouler un filet d'eau , il a trouvé une source ... et beaucoup moins profond que son puit !

Toujours opportuniste cette eau est emmenée dans une salle en contrebas ou elle fait tourner une roue à aube, bricolée sur une roue de charrette avec des godets de zinc, qui entraine une dynamo automobile générant de l'électricité pour éclairer ses ateliers.
D'autres salles souterraines servent de champignonnières , tout est utile et réfléchi donc , mais sans négliger les aspects décoratifs !
Enfin une galerie se termine sur un objet assez unique:
Un périscope qui débouche dans le jardin, quelques mètres plus haut !

Il est orientable et pourvu de miroirs permettant de renvoyer la lumière dans les galeries .
Tout d'abord sur un pilier au centre d'une grande pièce
La lumière est réfléchi ensuite dans d'autres miroirs savamment disposés dans les angles adéquats des galeries.
Un dispositif identique existait également en surface pour envoyer un autre faisceau par l'autre extrémité du réseau souterrain. (aujourd'hui saccagé , il ne reste que les supports)

Il est amusant de noter que les galeries les plus récentes sont de moins en moins hautes à mesure que le poids des ans tasse notre infatigable grignoteur de rocher.
Au rez de chaussée , qq pièces à vivre


avec la bibliothèque , et une douche chauffée par le système de refroidissement, modifié par les bons soins de notre bricoleur, d'un gros moteur Bernard servant à remonter l'eau du puits quand Éole est en grève.
Un meuble de rangement non suédois ... fait à partir de bidons d'huile

Il existe au milieu de ces pièces un autre accès aux galeries par un second puits couvert par une dalle à roulette qui s'ouvrait facilement avec qq renvois de poulies. Ce puits est équipé d'un palan servant à remonter les sacs de sable extraits des tréfonds de la terre .
Son petit fils Stephan se rappelle le plaisir qu'il prenait enfant quand son grand père lui faisait prendre "l'ascenseur" qui se résumait à un grand chaudron suspendu au palan ...

Je l'envie , vraiment un site merveilleux pour les enfants cet endroit ( mais pas sans danger ... là encore on vit plus à la même époque , où bouger le petit doigt est dangereux ! )
Son atelier enfin regorge de ferrailles récupérées tout au long de sa vie .
Y compris pendant la seconde guerre mondiale, ou il n'hésite pas à s'approvisionner des débris d'un avion abattu dans le secteur.
( un petit réservoir hydraulique coupé en deux a été recyclé en cloche à l'entrée de la propriété, ne cherchez pas, elle n'y est plus )
Tout ces objets entassés lui ont permit de se fabriquer lui même ses propres machines outils ...

Et l'on voit la polyvalence de l'homme, en dehors du travail du zinc !
Dans un coin de l'ateiler un tour de potier ( il avait une mine d'argile à proximité) , de l'autre une forge et son enclume faite à partir d'un morceau de rail coupé à la scie à métaux à la forme adéquate , mais aussi un tour à bois relié à une deuxième éolienne .



Une éolienne qui sert également à faire tourner par un jeu savant de poulies une dynamo rechargeant diverses batteries, toujours pour un éclairage économique .
Vraiment un sacré visionnaire notre Roger, écolo avant l'heure !

A l'étage qq petites pièces dont une petite chambre pour la sieste , même si notre homme se plaisait bien dans ses galeries ( fraiches l'été et tièdes l'hiver )
Enfin dernière invention sur la terrasse , une coupole observatoire dans laquelle on s'installait sur un siège .
Devant ce dernier était disposé un volant qui via une crémaillère faisait pivoter le siège et la coupole.

Des constructions annexes où il fait un toit de verre d'ancienne vitres de voitures.

Sans oublier bien sur de décorer le tout avec force statuettes et ferronneries .
avant :



après :


Il réalise également un superbe cadran solaire.

Vers les années 70 , notre homme commence à délaisser son potager et se lance dans la réalisation de sculptures grandeur nature de personnages et d'animaux qui vont égayer le jardin pendant des années .

Réalisés sur une armature en fer à béton et grillage à poule, recouverte de ciment et peinte de couleurs vives .




qq années plus tard ...elles sont toujours présentes mais bien fatiguées...


Pour certaines de ses créations, il ajoute qq astuces pour les animer , torero et bohémienne sont ainsi installés sur des axes mobiles.



et un petit nègre frappait sur son tambour à l'aide d'une ficelle quand un visiteur se présentait .




mais le temps est passé ...

Notre extraordinaire petit homme s'est envolé vers le paradis des inventeurs artistes en 2003.
Nul doute qu'il doit mettre son grain de sel là haut pour que ça tourne rond !


Si l'endroit vous intrigue vous aussi , évitez bien évidemment d'y rentrer par effraction , vous n'aimeriez pas qu'on fasse cela chez vous !
Mais laissez plutôt un message sur le blog avec une adresse mail et à l'occasion Amélie ou Stephan se feront un plaisir de vous faire la visite guidée , c'est beaucoup plus intéressant !
Le devenir du lieu est compromis par une succession comme souvent difficile à dénouer .
Même si actuellement ni la mairie de Castries ni la DRAC ne s’intéresse à ce lieu atypique ...
Espérons qu'au final il sera préservé sous une forme ou une autre .
Roger son créateur le mérite bien !